Pour Pierre…

On l’appelle Pitouille. Je ne vous raconterai pas d’où lui vient ce surnom ! Il fut un jeune homme joyeux et plein de vie, comme aujourd’hui. Un peu moins casse-cou, peut-être, encore faut-il y regarder à deux fois avant de le croire. N’a-t-il pas passé TOUS les permis possibles et imaginables de conduire, une fois à la retraite : voiture, camion, remorque, moto, bateau… Il ne lui manque plus que de pouvoir piloter un avion et une fusée.

Quand il avait une vingtaine d’années, il faisait des courses de côte, peut-être même des rallyes. Il adorait conduire. Il avait des voitures, plein : des qui fonctionnaient, des qui étaient en panne, des qu’il retaperait comme des voitures de collection, des qui roulaient très vite, des qu’il conduisait très vite, pour ne pas dire qu’il pilotait ! Je me souviens avoir voulu un jour essayer une de ses 4CV équipée pour la course : à l’intérieur, un seul siège, celui du conducteur. Alors je m’assois dans l’espace libre à côté et il démarre. Tellement vite que j’ai fait la galipette en arrière et me suis retrouvée les 4 fers en l’air ! Quelle rigolade !

A la maison, l’ambiance était généralement au travail et à l’effort. Sauf quand les parents s’absentaient. Alors là, c’était la fête : Pitouille au piano jouait un petit air de boogie woogie, il me semble que François et Jean-Marie y allaient aussi de leurs guitares, et ensuite, le chœur familial chantait « ah les rats d’égouts » ou bien « le pinson, c’est mon bonheur ». Je ne sais plus à quelle occasion c’était mais cela reste un souvenir très vibrant pour moi, très vivace.

Parfois, toujours en l’absence des parents, il mettait un disque et il dansait le madison. Comme ça, sans raison, il dansait et c’est comme ça que j’ai appris. Il y a quelque chose de sympa dans ce rythme tranquille au pas formaté mais aussi cadencé et tonique. Et c’est une sorte d’énergie qu’on partage en se remuant ainsi. En tout cas, j’adorais ça.

Quand il a commencé à travailler à la banque, je me souviens qu’il devait être bien habillé et je le revois encore ranger ses costumes dans son placard : chemise, pantalon, veste, cravate. La panoplie complète ! On n’était pas habitués à ça ! Ca faisait un peu « riche » mais il était beau garçon ! On ragotait, dans la famille, sur ses performances sportives et son emploi du temps, son travail et ses copines mais je pense qu’il s’en fichait. La conduite des voitures en course lui a donné, semble-t-il, une vraie confiance en lui-même. Tant mieux, car je sais que c’est ce qui fait sa force et qui le tient en forme : cause toujours, mon pote, je sais où je vais… et j’y vais, quoi qu’il arrive.

Quand j’ai eu 18 ans et mon permis de conduire, j’ai acheté des voitures d’occasion qui n’ont pas forcément été très fiables. L’une d’elle m’a lâchée et je l’ai démontée (enfin, j’ai démonté la boite de vitesses) et n’ai jamais pu la refaire marcher. Elle a fini à la casse. Comme j’avais 20 ans et besoin d’une voiture, Pitouille m’a prêté une petite Austin sans me demander un sous pour cela. A cette époque, je revenais de Paris vers Candé pour m’installer à Blois avec Pierre (Dudu) qui finissait son armée. Toutes mes affaires étaient dans l’Austin et nous revenions de Paris dans les jours où la police recherchait Mesrine. Il y avait des barrages partout mais on est passé au travers de tout sans être interpellés. Il a fallu qu’on arrive à un feu à Orléans pour que des gendarmes s’aperçoivent que les 4 pneus étaient lisses ! Dudu au volant d’une voiture dont la carte grise était au nom de Pitouille, avec qui il n’avait aucun lien de parenté, ça faisait un peu désordre dans les papiers. Et Dudu descend de la voiture pour m’ouvrir la portière (qui ne s’ouvrait pas de l’intérieur du côté passager). Les flics immobilisent la voiture sur place et, voyant bien qu’ils avaient affaire à des p’tits jeunes pas méchants, nous ont emmené jusqu’à la gare de Fleury les Aubrais. Eh bien, quand la voiture s’est arrêtée pour nous déposer, le flic est descendu m’ouvrir la portière ! J’en rigole encore… Bref, la voiture, remplie de mon déménagement, immobilisée avec un sabot, les papiers subtilisés par la police, nous avons appelé Pitouille au secours. Il est venu nous chercher à Orléans et le lendemain, il est revenu pour changer les 4 pneus de la voiture et récupérer ses papiers et l’Austin. Et il a payé l’amende en plus. Il n’a jamais voulu que je le rembourse ou que je participe au frais. Je ne sais pas si je l’en ai un jour remercié.

A la même époque, je cherchais un appartement pour m’installer avec Pierre. Il a joué de ses relations pour débloquer très vite un logement HLM qui nous a bien rendu service.

Aujourd’hui, nous profitons encore de sa disponibilité pour squatter la maison familiale au bord de l’eau, l’été, et de cela aussi, nous ne pensons même pas à l’en remercier. Cela semble tellement naturel de partager tout cela mais nous oublions que pour que tout cela soit encore en état de nous recevoir, il faut que quelqu’un s’en occupe. Et c’est toujours lui qui s’y colle !

Pitouille, si je ne l’ai pas fait à cette époque, je le fais aujourd’hui : c’est ton anniversaire, je t’offre ce petit article pour te remercier de toute cette générosité qui a souvent été méconnue, je le sais, au long de ta vie. Tu as toujours fait ce que tu pensais devoir faire, avec constance et sans compter ni tes efforts ni tes sous et digne et debout dans les épreuves. Du coup, ce proverbe est bien vrai : « quand on aime, on ne compte pas… »

Bon anniversaire, vieux frère !

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