Minelle à l’école

Quand on habitait encore la vieille maison, Marie-Jo, Michel et moi, on devait faire la vaisselle, dans l’arrière-cuisine. Ils jouaient à se mettre un saladier sur le ventre et à marcher en se dandinant. Je suppose que c’était parce que la mère était enceinte. Ils riaient tous les deux et moi j’étais un peu inquiète parce que je ne comprenais pas. De toutes les façons, j’étais toujours inquiète.

Dans cette période, toujours quand c’était la vieille maison, Marie-Jo et moi, on dansait toutes les deux dans la cour derrière. Et puis on chantait à deux voix : « dans ma chaumière ». On a des photos, il y a des preuves, oui oui !

Quand j’ai eu 5 ans, je suis enfin allée à l’école. Enfin, je n’allais plus m’ennuyer à me gratter les jambes ! J’adorais l’école. Mme Renard qui était, d’après la rumeur, très maniaque, conduisait ses classes sévèrement sans doute mais aussi, « juste ». C’était impressionnant de la regarder tailler les crayons dans la machine, ils étaient super pointus, après. Et puis, on avait des images et des bons points. On écrivait sur les ardoises. Au tableau, il y avait des craies de plusieurs couleurs. J’adorais la craie rouge, la texture en était plus douce que les autres craies, elle ne crissait pas quand on s’en servait et surtout, elle était d’un rouge magnifique ! L’école était très propre et bien entretenue. J’étais une bonne élève, surtout en dictée. Par contre, je trouvais le calcul plus difficile. Ca n’a pas beaucoup changé par la suite ! Après 3 années chez Mme Renard, je suis allée chez M. Thorel, Alfred. Grand homme impressionnant, sévère, voire brutal, il tapait sur les doigts avec une règle, des fois, même, il cassait la règle en bois sur la tête d’un élève. Certains ont même eu les oreilles décolées ! Mais il y avait la coopé dans l’école, on préparait la fête de fin d’année, lui, il ne voulait pas faire de classement des élèves ni remettre des prix de ceci ou de cela. En fait, tous les élèves avaient un livre à la fin de l’année, et un dictionnaire en quittant l’école primaire. On faisait du sport, on participait à la grande fête à Contres (genre fête populaire mais pas catho), on faisait les landis avec les enfants des autres écoles du canton. C’était la fête mais les parents n’aimaient pas trop celle-ci. On soupçonnait Alfred Thorel d’être communiste. Bien des années plus tard, j’ai su qu’il n’avait jamais pris sa carte au parti. M’enfin il avait bien des idées qui allaient dans ce sens-là ! On éditait le journal de l’école : « la Treille ». On l’imprimait nous-mêmes. J’adorais composer les articles avec les caractères à placer dans les supports, il fallait lire à l’envers ou regarder dans un miroir pour vérifier qu’on n’avait pas fait de faute. Et puis on préparait des calendriers et un tas d’objets pour les vendre lors de la fête de fin d’année et remplir la caisse de la coopé. On chantait aussi : la Marseillaise (incontournable) le chant des partisans et puis d’autres chants dont je ne me souviens plus. On dansait, on fabriquait nos costumes. Une année, on était habillées comme les slaves, avec des coiffes multicolores qui volaient dans le vent, des gilets hauts en couleurs vives. Dans mon souvenir, c’était extrêmement joli, pas rafistolé comme on l’a vu parfois dans les fêtes d’école de nos enfants. Dans not’ temps, ma bonn’dame, c’était de la bonne qualité, la fête de l’école !… S’il y a un endroit où j’ai été particulièrement heureuse quand j’étais petite, c’est bien à l’école de M. Thorel. Il m’est arrivé de pleurer, une fois, parce que pendant les récréations où on fabriquait les objets pour la fête de fin d’année, le maître mettait de la musique (il y avait un magnétophone dans la coopé) et voilà qu’il met « les roses blanches ». J’ai pleuré abondamment d’un grand chagrin à cause de cette chanson, je croyais que c’était Maman qui était morte. Aujourd’hui encore je n’aime pas entendre cette chanson. Mais à part cela, j’aimais bien aller à l’école. On me disait bien : « ah, encore une Gonny… déjà qu’on a eu ses frères et sa sœur… que va nous faire celle-ci ? » Mais je ne faisais rien comme eux : pas de rébellion à l’horizon !

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3 réponses à Minelle à l’école

  1. GONNY Anne-Pascale dit :

    Trop fort ton texte, Minelle !! Je me suis replongée divinement dans cette école publique de Candé, instantanément !

  2. GONNY Anne-Pascale dit :

    Les landis au soleil !! Longtemps je me suis demandée si ça existait vraiment. J’ai même sûrement eu la flemme de regarder dans le dictionnaire si ce mot existait. Mais là, quelle onde, quelle vague de soleil, de joie et d’excitation m’envahissent !!

  3. mariejo dit :

    Et au autre véritable plaisir… Je vais mettre mon texte bientôt!

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